Deux sculptures monumentales de Bernard Venet installées à Bastogne
Disorder: 11 Uneven Angles, acier corten, 800 x 260 x 205 cm, 2015, rond-point des Herdiers.
Deux lignes indéterminées, acier corten roulé, 265 x 322 x 305 cm, 2012, Parc Elisabeth
A l’inverse des “Arcs” ou des “Lignes indéterminées”, les sculptures angulaires de Bernar Venet sont beaucoup plus rares dans sa production. Souvent fichées dans le sol, les sculptures extérieures viennent occuper l’espace de façon déterminée, presque incisive, en le scandant par leur aspérité, comme celle qui se trouve devant le siège d’Arcelor-Mittal à Luxembourg. Les “Lignes indéterminées” quant à elles - telle que celle installée actuellement dans le Parc Elisabeth à Bastogne - le font d’une manière plus enveloppante. Ces dernières apparaissent constitutives de ce qu’on pourrait appeler la face baroque de l’oeuvre de Venet, alors que les “Angles” se rattacheraient plutôt à l’aspect minimaliste et radical de celle-ci. Les oeuvres angulaires de Venet possèdent un aspect conquérant, dynamique. Elles prennent possession d’un lieu (ou parfois même d’un bâtiment) qu’elles surmontent et dominent. En marquant ainsi sa puissance, l’oeuvre s’impose à son environnement dans un dialogue d’égal à égal, dans un rapport d’échelle adéquat. Si l’agglomération d’”Arcs” et de “Lignes indéterminées” est fréquente dans la démarche de l’artiste français, celle d’”Angles” est beaucoup plus rare et remonte à peine à l’année 2015, date de la présentation à Venise de “Disorder 9 Uneven Angles”, dans les jardins du Palazzo Cavalli-Franchetti. Constituée de neuf angles de hauteur variée et d’amplitude différente, ceux-ci aboutissent à un faisceau acéré qui entrait en dialogue formel avec les étroites fenêtres gothiques de la façade du palais.
Cette sculpture annonce celle installée à Bastogne, composée elle de 11 angles juxtaposés côte à côté, de façon à former un ensemble compact. A la différence des oeuvres antérieures évoquées auparavant, les “pieds” de l’oeuvre sont sur le même plan, ce qui lui donne sa configuration verticale, alors que la plupart des angles antérieurs se présentaient de façon horizontale, souvent en dialogue avec le bâti des lieux. Dans un espace urbain, même dégagé, où elle est installée à Bastogne, c’est la verticalité qui prime, dans un dialogue que l’on pourrait qualifier de triangulaire avec la Porte de Trêves et l’église Saint-Pierre.
Comme souvent chez Venet, une pièce isolée constitue l’amorce d’une série en devenir. Même s’il lui a fallu longtemps pour reprendre son travail sur les angles, les actuels “groupes d’angles” en sont les héritiers. Entretemps, les principes d’équilibre ont été rompus et les pièces se sont libérées d’une installation trop attendue en défiant la pesanteur. On a pu les voir de guingois contre un mur, parfois effondrées dans des amoncellements dont sourd toujours cette même puissance de l’acier corten usiné et livré brut sur le lieu de l’exposition. Depuis ses effondrements de lignes droites, on sait que Venet n’hésite plus à bousculer ses pièces, en les renversant ou en les installant de façon aléatoire sous l’effet de la pesanteur. On connaissait les “Lignes indéterminées” de ce type, les “Angles” viennent désormais les rejoindre et s’imposer avec la même évidence formelle.
Bernard Marcelis (2015-2017)
Cette installation a pu se faire grâce à la Commune de Bastogne, la Fondation Bernar Venet et la galerie Ceysson-Bénétière