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Vue de l'exposition
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« Mais que cherchent-ils...? »

 

Se faire l’œil demande du travail et prend du temps.

Il faut aller voir les expositions, lire, s’informer.

Anne Martin-Fugier, Collectionneurs, Actes sud, 2012

 

Etre intéressé par l'art contemporain n'est pas une évidence. Collectionner l'est encore moins, cela demande un investissement personnel, intellectuel et sensitif. Depuis le XIXe, Ies collectionneurs font partie de l’histoire de l’art, tout comme les galeristes ou les critiques. Mais qui sont-ils ? Sont-ils riches ? Sont-ils très cultivés ?  Pas forcément. Passionnés, obsédés, possessifs, spéculateurs, mécènes, aventuriers… ou utopistes ? Sans doute à divers degrés. En fait comme les artistes, les collectionneurs sont tous différents et développent des rapports personnels, intimes voir irrationnels à l’art et à ses objets fétiches : les œuvres. Se poser le problème de la collection c’est aussi envisager le rapport à l’objet, à sa préciosité, à son choix, à sa signifiance ; la lecture individuelle ou collective et les déplacements de frontière sémantiques et qualitatifs.

J’ai voulu à partir de la notion d’œuvres d’art  mais aussi d’objets quotidiens, usuels, esthétiques et consommables détournés, proposer une réflexion sur la notion de collection. Ce sont évidemment des choix personnels, subjectifs et non exhaustifs. J’ai choisi des collectionneurs qui sont des personnes à la fois ordinaires et singulières – ne possédant pas forcément de moyens financiers exceptionnels, ni des connaissances artistiques encyclopédiques mais qui sont passionnées et qui établissent dans la relation à l’art, à l’esthétique, une  philosophie de vie. Certains, comme Anne Buckingham,privilégient les rapports d’amitié et de connivence avec les artistes et ont une vision hétéroclite et ouverte à diverses réflexions contemporaines. Dans sa collection, le choix s’est porté sur des œuvres de Fernando Alvim, John Beech, Gast Bouschet, Mariusz Kruk et Eric Stenmans. Du collectionneur Serge Paternoster, sont présentées deux séries d’œuvres d’une même famille artistique liées aux détournements poétiques et humoristiques des objets et des images ; l’irrévérencieux surréaliste historique Marcel Mariënet son neveu montant l’escabelle Marcel Vandeweyer. Si dans ces deux séries, les images et les objets sont récupérées et détournées dans l’art, pour Etienne Rousseau,qui se consacre au patrimoine design industriel des années d’après guerre, l’objet se suffit à lui-même ; il est fasciné par ces productions fusionnant l’épure esthétique et la réflexion fonctionnelle et peu importe si ces objets sont le plus souvent l’œuvre de créateurs anonymes. JeanGlibertest artiste et collectionne aussi des objets quotidiens ; mais ceux-ci établissent des liens avec les notions de couleur et de fonctionnalité. Félix D’Haeseleer est un collectionneur passionné des nuances colorées. Tous deux ont été professeurs à La Cambre et proposent « Couleurs », une installation réalisée à La Cambre il y a quelques mois et présentant quelques objets sélectionnés dans la collection de Jean Glibert et un choix de livres sur la couleur, d’échantillons, de nuanciers, empruntés de la bibliothèque de la Cambre par Félix D’Haeseleer, qu’ils accompagnent de commentaires et de dialogues sur le sujet.

On le sait depuis un siècle, avec Marcel Duchamp et ses ready-made – objets d’art, ni beaux, ni laids – les choses ne sont pas simples ! Jacques Andréest un artiste compulsif qui fait des achats à répétition de livres, d’objets… Collectés par série, ceux-ci s’intègrent dans une réflexion conceptuelle sur la place de l’objet dans la société de consommation. Sa démarche ne présente pas de savoir-faire particulier, elle est à la portée de tous, mais le développement intellectuel et les rapports qu’il crée entre les objets et leurs valeurs, lui sont tout à fait singuliers. Jacques André nous en remet une couche avec sa présentation disséminéed’achats, produits industriels simulacres trop signifiants. 

« Mais que cherchent-ils…? » essaye de dresser un panel de visions et de conceptions diverses, qui interrogent le visiteur sur le rapport qu’il établit à l’objet en général et à l’œuvre d’art en particulier. L’exposition peut sous-entendre que l’art est à la portée de tous ceux qui le désirent.

Dans cette petite édition,  j’ai aussi voulu laisser la parole aux exposants ; chacun y exprime son rapport à l’art, aux artistes, aux objets et à sa collection.

Michel Clerbois, Commissaire