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Petite serre jaune, Eynatten
Frontières-Exil
Jean-Paul Laixhay
Peinture
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Petite serre jaune, Eynatten
Vue de l'exposition, rotonde
Vue de l'exposition
Neige et feu, acrylique, papier marouflé,152 x 252,5 cm
Vue de l'exposition, rotonde
Exil, fusain, acrylique sur toile, 107 x 420 cm
Ligne Siegfried, Eynatten

Entre une exposition au Mamac de Liège et à Paris, Jean-Paul Laixhay nous propose à Bastogne une exposition d’œuvres fortes et très personnelles faisant particulièrement écho à notre ville, lieu de mémoire de la seconde guerre mondiale, mais aussi cité traversée chaque semaine par de nombreux passants venus de contrées diverses, proches ou lointaines.

Si l’exposition de Laixhay entre en résonance avec la ville où se situe notre espace d’art contemporain, c’est qu’elle s’intitule Frontières-Exil et retrace à travers toiles, dessins et photos un travail sur le thème de l’exil, un hommage à son père déporté en 40, une évocation des émotions que ces réalités suscitent, entre souffrance et espoir. Le visiteur pourra ainsi découvrir un diaporama et des photos posters d’œuvres de Land Art réalisées à Eynatten, en communauté germanophone de Belgique, juste à la frontière allemande. Ce travail date de 2006, il s’est imposé à l’artiste en hommage à son père décédé en 2002. Cette série de dessins et peintures a débuté il y a cinq ans, elle explore la thématique des limites de territoire, merveilleusement rendue dans une palette de teintes noires, grises et blanches, à coup de pinceaux, d’un geste vif et avec beaucoup de relief. Pour l’artiste, il est important qu’il y ait  matière à voir, à ressentir, à méditer.

Les peintures que Jean-Paul Laixhay nous présente à l’Orangerie révèlent un travail dans un premier temps figuratif sur base de croquis de paysage, restitué ensuite par ses émotions et interprétations dans son atelier liégeois. Au niveau de sa technique picturale, l’implication du corps, de la gestuel (ses mains, ses doigts) sur la matière est importante, notamment quand il utilise le fusain (en particulier pour les noirs et blancs).

Une première installation réalisée à Eynatten à la peinture à la chaux retrace la ligne Siegfried, une ligne de défense s'étendant sur plus de 630 km, avec plus de 18 000 bunkers, tunnels et fortifications. Des prismes couverts de mousse verte et munies d’une face en béton sciée et pourfendue évoque la séparation des êtres qui s’aiment, la vie qui ne passe plus. La verrière jaune, une autre de ces installations, symbolise le paradis perdu pour les prisonniers de guerre : Je pense à toi, mon amour. / Que fais-tu ? Où es-tu ?

Ces œuvres d’art inscrites dans l’espace public rendent hommage au père de l’artiste, Ernest Laixhay : Ernest, c’est mon père. Il a 27 ans en 1940 lorsque la guerre éclate. Les forts de Liège tiennent 8 jours, retardant l’offensive allemande. Viennent alors 5 ans de déportation, d’exil et de travail forcé. 5 ans de jeunesse emportés par la folie des hommes dans un siècle de progrès et de mutations. 5 ans de dérives, d’angoisses et de tristesse à l’âge où l’on construit sa vie. 5 ans qui ont marqué une existence entière. Dessins, peintures et installations réalisées à Eynatten en 2006 parlent de la séparation et de l’espoir. Papa est mort le 26 juin 2002, la veille de ses 89 ans. l'Orangerie

Le paysage est une forme d’émotion visuelle qui ne repose que sur soi-même. Les paysages que l’on peut découvrir dans les œuvres de Jean-Paul Laixhay naissent d’une sorte de rencontre improbable, et pourtant présente, d’une gestualité lyrique, presque abstraite, et d’une figuration libre, sans points de repères autres que ceux l’œil -et du fusain, ou du pinceau, qui les a tracés. Œuvres sans à priori, qui épousent davantage les sensations éprouvées par l’artiste, que les canons ou les contraintes d’une discipline artistique. Aussi est-il moins question de cartographie intime, de genèse harmonieuse, que d’une lente et fluide dérive, au fil de la matière, comme on dirait « au fil de l’eau ». Pas de grandes randonnées exploratoires, mais de subtiles et brèves incursions dans des contrées proches, où l’artiste invite le regardeur à mettre ses pas, modestement, dans les siens. Alain Delaunois, novembre 2004