L’animal et plus particulièrement l’animal domestique a acquis un statut hors normes dans nos sociétés de culture occidentale. Il suffit de regarder les émissions animalières ou de divertissements populaires à la télévision et de compter le nombre de revues et magazines consacrés à nos animaux familiers pour mesurer la place qu’ils occupent dans nos sociétés matérialistes, en mal de repères et désolidarisées. Les artistes ne sont pas en reste et leurs productions questionnent toute l’ambiguïté et les mutations de cette nouvelle relation que l’homme contemporain tisse avec les animaux. Cocasse, insolite, grinçante, dérangeante, touchante, Animal’s propose aux visiteurs des oeuvres qui sont autant d’éléments de réflexion sur nos rapports avec « nos amies les bêtes ».
Oeuvres de Pascal Bernier, Laetitia Bourget, Big Game, Marcel Broodtaers, Michael Dans, Philibert Delécluse, Jean-Marie Gheerardijn, Daniel Michiels, Johan Muyle, Pierre Pétry, Jean-Pierre Ruelle, Thierry Zéno
Pascal Bernier, °1960, vit et travaille à Bruxelles: Bipolar Perversion 2, Ours en peluche et ours polaire naturalisé
Dans Bipolar Perversion , l’artiste oppose l’homme – incarné par la peluche – à l’animal (ourspolaire femelle naturalisé) et propose une lecture quelque peu provocatrice des rapports entre nature et culture. Il se sert de cette image rassurante de l’ours en peluche pour dénoncer une société infantilisante. Produit de consommation par excellence, la peluche (sexuée comme si elle devait contribuer à la lutte pour la survie de l’espèce) exerce une domination sur l’ours polaire, en voie de disparition…
Big Game: Trophée
Big-Game est un studio de design fondé en 2004 par Grégoire Jeanmonod (Swisse), Elric Petit (Belgique) et Augustin Scott de Martinville (France). Il est actuellement basé à Lausanne et à Bruxelles. Big Game édite chaque année une série d'objets qui sont liés à un thème auto-imposé. Le thème de la première année est la réinterprétation des codes du mobilier bourgeois. Les têtes de l'orignal et du cerf font partie de cette série: une version modernisée, en quelque sorte abstraite de la tête du trophée, exécutée en triplex. «Nous voulions quelque chose de léger pour souligner le drame lourd qui est généralement associé à cet objet - le meurtre de l’animal et le bourrage de la tête.
Laetitia Bourget, °1976, vit et travaille à Paris: Se faire des amis, Série de 7 vidéos, 1999-2006 1.communiquer, 2.nourrir, 3.accompagner, 4.être attentif, 5.se rapprocher, 6. aider, 7.faire le deuil
Se faire des amis est une série de séquences vidéos réalisées avec des animaux. Ce projet est issu d’un questionnement à la fois des normes sociales et du rapport humain-animal. Il se développe à travers la mise en place de diverses situations de rencontres avec des animaux. Tentatives de communication, d’intégration, de contact, de cohabitation, de service… ces situations relèvent à la fois d’un fantasme d’harmonie entre tous les êtres vivants, et d’un désir de contrôle d’un animalité imprévisible et inquiétante.
Marcel Broodthaers né en 1924, décédé en 1976: La souris écrit rat (à compte d’auteur), print, Black and red offset on white cardboard, collection privée. Marcel Broodthaers - oeuvre audio : Interview With A Cat, 4’59 ‘’ 1970
Marcel Broodthaers s’intéresse à la réalité ambivalente des mots en jouant, par exemple, sur l’homonymie de la moule et du moule. Il insère de nombreuses allusions et des citations d’autres artistes dans son oeuvre. Il cherche à exposer que le mot est une coquille vide et construit son oeuvre sur ce vide qu’il considère comme un langage en soi.
Michael Dans, °1971, vit et travaille à Liège: That's All Folks, 2001. Tissu acrylique et installation électrique avec détecteur.
Les oeuvres de Michael Dans se présentent comme des espaces non fixés, assez mystérieux, prenant l'humour comme moyen d'agiter les esprits. L'oiseau en tissu, agité de rythmes entêtants (That's All Folks) fait référence aux élargissements de l'art contemporain, réactif, relationnel, direct, mixte, qui puise librement dans les images les plus banales mais qui décapent en profondeur. Ni kitsch, ni minimal, ni trash, Michael Dans cultive avec humour et retenue une absurdité très vitale. Il se situe à la frontière des objets et des attitudes, très librement.
Philibert Delécluse, °1962, vit et travaille à Bellefontaine: L’embouteillage, peinture, 120 x 160 cm, 2010 - L’ours philosophe, peinture, 120 x 160 cm, 2010
L’homme qui a la faculté de savoir tout de son passé et de son futur via sciences et médias ne comprend plus ce temps disloqué où, soit: il s’agite avec frénésie, soit il reste prostré. La nature, elle aussi, semble prendre peu à peu conscience de sa propre finitude. La figure de l’animal capable de penser et incapable d’agir nous renvoie à nos angoisses existentielles.
Jean-Marie Gheerardijn, °1958, vit et travaille à Liège: Bombardier, mouche sur maquette, 1987
Jean-Marie GHEERARDIJN a développé son travail autour de la mouche. Les élevant, les capturant, il les utilise dans ses petites installations. Regroupées par milliers, elles prennent place dans des assemblages divers regroupant objets de récupération, vieux cadres, etc. Dictateur artistique, c'est ainsi que se présente Jean-Marie Gheerardijn ! Celui que l'on appelle aussi 'Sa Majesté des Mouches' est moins effrayant que son propre prédicat... Des plus originaux, son projet et sa passion se résument à l'élevage en masse de mouches. Jean-Marie Gheerardijn est une sorte d'apiculteur des diptères, qu'il tue en rafale pour pouvoir en faire de la chaire à oeuvres artistiques. Depuis 1982, il offre ainsi des sépultures étranges à ses animaux artistiques. Au Museum national d'histoire naturelle en 2007, ses natures mortes ou vanités modernes font fureur en même temps qu'elles étonnent.
Daniel Michiels, °1952, vit et travaille à Bérismenil: 6 photographies d’animaux emblématiques de la campagne ardennaise
En épousant la vie rurale, Daniel Michiels en a fait le sujet quasi exclusif de sa photographie. Les photographies en noir et blanc de Daniel Michiels sont des "petits trésors", sa vision capte le silence, l'intimité des animaux, leurs manies, leur majesté. Il ne brusque rien, il a le temps et collectionne amoureusement ces instants magiques pour les partager ensuite avec une grande générosité.
Johan Muyle, °1959, vit et travaille à Liège et à Bruxelles: Le second martyre de la pieta, 1987
Les premiers objets (1985-1989) composés d’animaux naturalisés, auxquels l’artiste confère une identité humaine et rituelle font, peu à peu place à des objets trouvés sur les brocantes qui prennent place dans des sculptures d’assemblage animées. La dimension fictionnelle précédemment absente dans les objets, fait place à des sculptures assemblées qui intègrent par la métaphore des éléments autobiographiques : L’homme aux mains de femme (le père). Deux sculptures clôturent une trilogie familiale : Le second martyre de la pieta (la Mère) et les Cherrubini Gemelli (les Fils).
Pierre Pétry, °1945, +2017: 5 lapins en polyester.
Le bestiaire de Pierre Pétry qui relève tout a la fois de l'observation zoologique et de la notation psychologique lui appartient en propre puisqu'il joue avec un humour coloré mais parfois féroce de l'ambiguïté homme/animal. Avec cette série de lapins dont les couleurs chromées et acidulées évoquent le charme irrésistible des papiers d'emballage des friandises ou des oranges de nos Saint- Nicolas d'autrefois, nous assistons a un étrange conciliabule. Alice n'est pas loin.
Jean-Pierre Ruelle, °1965: Bison, digigraphie sur dibond 90 x 120cm
Jean-Pierre Ruelle est un adulte qui ne s’est pas laissé piéger par la bêtise des adultes. On le croirait adolescent, mais un adolescent de la taille d’un ours brun. Son oeuvre, jamais clichée, toujours en quête de nouveauté, d’invention, concilie avec ferveur les minutes sacrées où le temps s’immobilise et l’angoisse que tout s’en va, pour toujours, à l’instar des nuages brassés par la lumière du monde. Alain Bertrand
Thierry Zéno, °1950 +2017: Méduses et Cie, installation vidéo
La danse des méduses et le fracas des vagues… Mer d’huile ou tempête, peu importe, chez la méduse tout est calme. Et volupté ? Méfiez-vous des apparences, elle ne danse pas, elle chasse et mange par tous les temps. Et les vagues, médusées, entrent dans la danse.