Body
Pulp I
Pulp(e)
Dany Danino
Peinture
Charles Myncke
Dessin
>

 

 
Pulp I
Pulp II
Pulp III
Broken face members
Pulp IV
Multiples matrices
Cicatrice

Dany Danino

 

Pulp(e)

The soft eshy part of a fruit. His face had been beaten to a pulp.

La partie charnue douce d'un fruit. Son visage avait été battu en marmelade.

Oxford dictionary.

Durant plusieurs siècles le dessin, en tant qu’oeuvre d’art, sera jugé secondaire. Il était l’étape préparatoire permettant de fixer l’idée initiale de l’artiste, il était l’ébauche d’une future composition ou de l’une de ses parties. On les appelait des « feuilles ». Le temps ayant fait son oeuvre, elles ont acquis une valeur intrinsèque incontestable. Aujourd’hui, cette évaluation étant approbative, Dany Danino nous le confirme en actant pour nous sa pulsion exigeante et définitive d’oeuvre d’art total. Son utilisation du Bic bleu ou stylo à bille Bic, un peu à la manière du « dripping » de Jackson Pollock, emplit la surface entière de la feuille qu’il surdessine d’un dessin gestuel exemplaire, de circonvolutions noueuses, d’entrelacs où les éléments narratifs s’entremêlent de visions hallucinogènes. Il localise, il énumère, il additionne. En témoigne l’un de ses derniers dessins au langage et à l’audace inusitée le crâne est mon boulet, oeuvre monumentale de plus de cinq mètres de haut et deux mètres de large subjuguant tant par sa liberté initiale que par sa virulence fébrile et sa virtuosité graphique. L’écriture de son dessin est descriptive, analysante, serrée et alerte ; comme si elle visait, dirait Artaud, le battement artériel des choses. Il y accède grâce à la formule secrète de son oeil ; la démesure, l’excès et la puissance. Son être de déraison rejoignant son désir et la figure de son objet. D’autre part, sa connaissance des maîtres anciens l’instruit d’une qualité mémorielle qui l’anime en permanence d’un esprit résolument critique face à ce qu’il crée. Il m’a parlé de son respect pour Ensor, Rops et Masereel. Et de l’oeuvre à l’homme ou de l’homme à l’oeuvre Dany Danino sait de quoi il parle et sait de quoi il dessine lorsqu’il fréquente ses fondements initiaux et qu’il en émerge pour nous rallier à son imaginaire et nous enchanter de ses «feuilles».

Jean-Marie Stroobants, July 2012
Curator et director of the Office d’Art Contemporain