Signe, forme et surface, Roland Quetch et Thé van Bergen
L’exploration de la peinture et du dessin se poursuit, après une exposition marquante de ses couleurs vives, avec Signe, forme, surface accueillant Thé van Bergen et Roland Quetsch. Ces deux artistes se répondent subtilement dans l’espace. Chacun apporte une réflexion et une pratique singulière sur le médium de la peinture, dans une approche non-figurative pour Quetsch et parfois plus figurative pour van Bergen.
Le processus pictural de Roland Quetsch est bien particulier, dans un travail à la fois de déconstruction, de fragmentation et de reconstruction ou assemblage en modules. Ces surfaces non bidimensionnelles sont traitées avec des résines de différentes couleurs, donnant un rendu vitrifié. Il questionne les limites du médium en s’intéressant à la structure, ainsi qu’à la manière d’exposer et disposer ces modules. Nous sommes accueillis dans la salle d’exposition par une première problématique, avec une évolution dans l’espace mobile et non fixe de trois modules fixés entre eux par des charnières. Dès lors, le spectateur est confronté à une intention de l’artiste d’étendre le discours sur la peinture. Une pièce plus loin amène une autre évolution dans l’espace, avec un empilement horizontal de structures les unes sur les autres accroché verticalement à la cimaise (IF 48 47 55). Cette oeuvre évolue dans l’espace et dans les limites du médium de la peinture. Elle rentre subtilement en dialogue avec De Illusie de Thé van Bergen, qui a travaillé sur un plan en perspective illusionniste. Certaines pièces de Quetsch sont découpées à la scie sauteuse, refragmentées, les morceaux étant considérés pour leur apport artistique propre. Ces morceaux permettent de découvrir l’opposition entre la finition extérieure lisse et la structure brute en bois. Ils permettent aussi un retour à la matière, ainsi qu’une désacralisation de l’objet d’art, de l’oeuvre picturale. La rotonde accueille une installation de toile les unes devant les autres, posée à même le sol, dans une esthétique d’atelier. Cette oeuvre met en confrontation directe le long et fin traitement pictural à la résine, et la structure brute.
Thé van Bergen travaille avec une peinture généralement plus figurative, qui se veut neutre. Son intention est de peindre pour peindre avant tout et d’apporter quelque chose à la tradition picturale. Sa pratique est en évolution constante et ses débuts tout en matière sont encore présents dans les oeuvres plus actuelles, sur le revers de certaines toiles. L’oeuvre de la rotonde est d’ailleurs en légère saillie devant la porte afin que le visiteur découvre l’envers avant l’endroit. Ces deux immenses toiles, travaillées avec beaucoup de matière, avaient été roulées. Van Bergen les a ensuite retournées et fixées grossièrement sur une structure. Plutôt que de lisser son aspect brut, il a mis en valeur les reliefs et les clous fixant la toile. Il travaille sur des motifs plus généralement figuratifs pour les exploiter selon leurs formes géométriques, en les arrachant au réel. Ces motifs deviennent alors des signes. L’aspect brut des structures de van Bergen rappelle directement la fragmentation et la monstration des systèmes de Quetsch. Les thèmes de van Bergen sont nécessaires à ses yeux pour amener des interprétations et des associations de formes. Le motif de la fenêtre est par exemple rendu abstrait mais est toujours signe d’une ouverture entre intérieur et extérieur. Il travaille dans une variété de motifs qui peuvent fonctionner par association et qu’il reprend parfois à son travail plus ancien. Deux portraits se répondent comme dans une dispute. Des colonnes cannelées peuvent être interprétées comme des jambes avec des pieds. La rencontre de deux femmes recouvertes d’une burqa, voient leurs formes réduites à quelques lignes, et à une démultiplication des triangles qui représentent les yeux et accentuent le côté énigmatique du tableaux. Van Bergen ne veut pas par-là amener un quelconque discours qui est pour lui trop actuel et s’attarde donc à en faire un signe. Thé van Bergen joue avec des formes géométriques de manière intuitive et directe.
Roland Quetsch et Thé van Bergen travaillent tous deux sur les surfaces et les structures, chacun de manière particulière. Ils communique subtilement dans l’espace, par quelques analogies de formes et de réflexions sur le médium marqué par la fenêtre ouverte et l’ouverture de la structure.
Hélène Jacques