Le cinéma serait un vaste tissu où le réel se raffine en forme et en lumière, un double de la vie où se déploient les mêmes gestes ou nos fantasmes amplifiés. Un double toujours inatteignable, toujours étrange, construisant en nous un dispositif oblique de la visualité du monde. C’est un monde renversé où les secondes deviennent des mètres et où les mètres deviennent des histoires.
Transposer le cinéma à la salle d’exposition implique une nouvelle lecture de celui-ci, de nouvelles contaminations. C’est effectuer une sortie de la narrativité de l’image vers une nouvelle narrativité : celle du dispositif, de l’espace, où un projecteur, un écran et la distance qui les séparent deviennent un nouveau vecteur de sens, une nouvelle unité.
Pour que le cinéma ainsi déplacé, puisse trouver une certaine ampleur plastique, il doit devenir sculptural, interroger l’espace et sa position face aux spectateurs, ou celle des spectateurs face à lui. Il doit intégrer comme médium tout ce qu’il aurait pu traiter comme sujet. Redéfinir la mécanique de la visibilité pour tendre vers celle de la perception. Car substantiellement ma recherche n’est pas de détourner les codes et les produits cinématographiques pour mieux les assimiler aux codes et aux circuits de la plasticité. Il s’agit plutôt de baliser l’acte de regarder :
Quels sont les chemins d’un geste pour devenir image, d’une image pour devenir pensée et d’une pensée pour redevenir regard.
D’abord animé par sa cinéphillie, Antone Israel s’intègre à l’âge de 17 ans dans le collectif «Les films à Rayures», collectif à géométrie variable tournant exclusivement en super 8 avec lequel il réalisera plusieurs courts métrages et un moyen métrage, et pour lequel il occupera la fonction de projectionniste lors des représentations, à mi chemin entre happening et cinéma.
Délaissant peu à peu une pratique purement cinématographique pour une pratique plastique, Antone Israel réintègre des problématiques conceptuelles,narratives et formelles issues et codifiées par le cinéma dans des dispositifs sculpturaux et installatifs.
Après un passage à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, quelques expositions, un poste de curateur dans l’ASBL Project(ion) Room, et beaucoup de travaux divers et variés, il se consacre maintenant exclusivement à sa démarche de plasticien explorant par le biais de l’installation, de la vidéo, du film et de l’écriture, les corollaires conceptuels de l’image en mouvement et de ses différentes constructions/déconstructions perceptives.