Ah... l’amour! Cette exposition récurrente nous invite à nous interroger sur le plus troublant des phénomènes humains: les rapports amoureux. Union des esprits et des corps, attirances, répulsions, fusions, affections, ivresses, amours absolus, amours platoniques… Elles nous échapperont toujours, mais nous rattraperont sans cesse. L’artiste, choisi pour cette exposition, nous parle du corps, de son corps et du rapport à l’autre. L’univers déployé par François Marcadon relève avant tout du faux-semblant. D’apparence élégante, d’intention esthétisante, chacune de ses oeuvres mêle l’amer au doux-sucré, en découvrant sous sa surface édulcorée un fond fantasmagorique plus inquiétant. Ces images fantasmatiques (tour à tour rêve, cauchemar ou allégorie) installent l’espace de la mythologie personnelle de l’artiste, qui offre en partage une vision tant onirique que cruelle, à l’instar de son propre rire, omniprésent, dont on ne sait s’il est signe de réjouissance ou de sarcasme... La couleur de la chair, réhaussée d’un rose jovial et quasi enfantin, ne doit pas tromper: elle opère dans sa crudité à la mise à nu d’une incarnation dont l’humanité est bénéficiaire, mais aussi victime... La série d’autoportraits du dessinateur est animée de cette même angoissante gaieté. Il y signifie une présence qui, se voulant par ailleurs discrète (les dessins n’ont pas de titre pour ne pas en influencer la lecture), ne s’affirme pas avec moins de cynisme... (...) ”Golden days” Florian Gaité.
Souvent, chez François Marcadon, le dessin accuse les contours d’un corps déboussolé, plié, ou exagérément tendu, écartelé, d’un pendu. L’aquarelle qui recouvre, et révèle l’habit ou la peau, ou l’objet, incarne des douleurs. Or ce qui relève de l’ornement, d’une préciosité, est un piège. Car ce qui est offert inquiète, la séduction s’immisce dans l’effroi... (...) ”En mal d’abîme...” Pierre Giquel.
L’exposition ‘Ah…L’Amour !’ présente trois séries distinctes de dessins réalisés à l’encre et aquarellesur papier et une sculpture en plâtre.La première série est une combinaison de figures féminines sur différents socles (quille, caisse, table, tabouret, carton) qui s’apparentent à de singulières figures pétrifiées sur lesquelles le temps n’aurait pas de prise et pour certaines, à des apparitions cauchemardesques. C’est peut-être parce qu’elles n’ont plus grand-chose d’humain du haut de leur piédestal qu’elles se différencient de nous et qu’elles deviennent effrayantes et angoissantes. Pourrait-on y voir un clin d’oeil à des figures primordiales, de terribles déesses-mères contemporaines ? La seconde série de dessins qui nous amène à la rotonde de l’Orangerie se situe dans un espace intimiste, une sorte d’alcôve pour de petits formats. Ce cabinet de dessins révèle au spectateur des figures humaines, anthropomorphiques, des corps morcelés dont le caractère érotique est évident. Ces diverses figures peuplent l’imaginaire propre à l’artiste et composent ainsi une mythologie personnelle. Elles évoquent avec délicatesse et poésie notre propre fragilité mais également nos fantasmes, nos désirs empreints d’une certaine perversité.
‘Souvent, chez François Marcadon, le dessin accuse les contours d’un corps déboussolé, plié, ou exagérément tendu, écartelé, d’un pendu. L’aquarelle qui recouvre et révèle l’habit ou la peau, ou l’objet, incarne des douleurs. Or ce qui relève de l’ornement, d’une préciosité, est un piège. Car ce qui est offert inquiète, la séduction s’immisce dans l’effroi. Convoquant tour à tour les figures de la terreur, la danse macabre, le rêve ou le fantasme sadien, F. M. dénoue les fils d’un cauchemar qui sait prendre les apparences d’une friandise (qu’on appelle aussi « douceur »). ‘(…) Pierre Giquel.
Enfin trois dessins sont installés dans l’espace de la rotonde et concerne la vie personnelle de François Marcadon. En effet, le premier est une mise en situation de l’artiste nu, tirant les cheveux d’une femme qui s’apprête à s’enfuir. Le thème de l’autoportrait est clairement présent avec le visage de l’artiste qui décore ici les bords du dessin à la manière d’une frise ornementale. L’étrange couple est placé debout sur ce même visage.
François Marcadon a fait de son corps et surtout de sa tête un motif récurrent dans son oeuvre. Cela en est même devenu un élément reconnaissable avec en plus le choix d’une couleur rose bien spécifique constituant par aplats la chair de ses personnages. On a par exemple aperçu ce visage dans l’espace public le long de l’autoroute E411 à Bruxelles au printemps dernier, au bord du canal St Martin à Paris ou encore dans le métro de Taipei(TW). On peut voir dans ces autoportraits un aspect symptomatique de notre époque dans laquelle le narcissisme est à son comble avec l’omniprésence du selfie dans les réseaux sociaux. Le deuxième dessin s’intitule ‘Les fiancés’ et présente deux personnages : un autoportrait de l’artiste sous forme de visage ailé* se trouve serré entre les mains d’une femme nue en train de courir ? de danser ?… De manière formelle on peut dire que le portrait se réfère aux putti de la Renaissance italienne, au Dieu Éros mais les couleurs rouge et noire choisies font également référence aux figures diaboliques présentes dans l’iconographie classique et contemporaine. La femme, qui n’est autre que la compagne de l’artiste, peut s’apparenter aux figures dionysiaques, on pense aux Bacchantes, les fameuses suivantes du dieu Dionysos/Bacchus. Elle courraient échevelées à demi-nues la tête couronnée de lierre dansant et remplissant l’air de cris discordants. Elles sont intimement liées aux excès de toute sorte. Si on analyse cet étrange couple, on pourrait peut-être évoquer la vulnérabilité du personnage masculin réduit à une simple tête. Ce n’est pas sans nous rappeler la Bible et les fins tragiques d’hommes décapités par de terribles femmes, on pense bien sûr à Salomé ou Judith. Cependant il s’agit ici d’une tête qui vole et qui ne semble absolument pas souffrir d’un manque de corporéité. Il (l’artiste) regarde même le spectateur avec insistance, il nous prend à témoin de son état en souriant avec ironie voire même un brin de provocation.
La femme est représentée dans toute sa splendeur. On la suppose joviale, puissante, impitoyable. Est-ce là une représentation de la relation établie au sein du couple ? En revanche on ne peut pas s’empêcher de songer à ce phénomène de société qui concerne l’inversion des rôles entre les hommes et les femmes et peut-être même la suprématie de cette dernière. Le destin de l’homme est effectivement remis en question depuis quelques décennies et le genre masculin semble courir aveuglé pour ne pas faire face à cette effroyable réalité. Enfin le dernier dessin est un nourrisson qui regarde le spectateur. Un sourire gigantesque a été collé sur le visage du bébé et en camoufle donc la partie inférieure. Il en devient alors grotesque voire terrifiant. Cette figure évoque la théorie freudienne sur la première organisation sexuelle prégénitale appelée orale ou même cannibale.**
L’absorption des aliments est prépondérante au début de la vie d’un enfant et on peut affirmer que ses besoins sont primaires, animaux. Les cris sont aussi caractéristiques de cet âge et rares sont les adultes qui peuvent supporter de laisser un bébé pleurer. On oscille donc entre la pensée d’un bébé anthropophage ou inversement, victime de cette grande bouche menaçante.
La sculpture est un moulage du corps de l’artiste. Elle a été réalisée en plâtre. Un masque en céramique avec de vraies plumes d’oiseau camoufle le visage. Elle a été exposée dans le parc Malou à Bruxelles au printemps dernier* et des vandales l’ont en partie détériorée. Heureusement cette dernière version a été restaurée, le masque recréé. Ce dernier présente d’ailleurs un aspect relativement brut et contraste avec l’ensemble plus lisse et visible de la sculpture. Il s’agit d’un portrait mystérieux de l’artiste qui semble rechercher la discrétion tel un chasseur déguisé. Mais où se cache la proie ?