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A quatre mains
A quatre mains
Daniel Nadaud
Dessin
Benjamin Monti
Dessin
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A quatre mains
Sans titre, papier millimétré, A4
Sans titre, papier millimétré, A4
Vue de l'exposition
Vue de l'exposition
Vue de l'exposition

A quatre mains, Benjamin Monti et Daniel Nadaud

La saison 2019 Peintures et Dessins à l’Orangerie se termine sur une collaboration des artistes Daniel Nadaud et Benjamin Monti. Elle s’est construite en correspondance épistolaire avec l’envoi de dessins de l’un ou de l’autre de manière décontractée, sans urgence, sans une pression de parvenir à un « résultat ». Les interventions décomplexées se sont multipliées au cours des quelques années, depuis leur rencontre en 2013 dans une exposition collective à Nantes.

Ces interventions et réinterprétations sont regroupées dans l’exposition atours de deux larges cimaises placées au centre de la salle principale. Deux vitrines présentent chacune l’univers des deux artistes séparément. Elles donnent un aperçu de leurs travaux et offrent quelques clés de lecture quant aux interventions à quatre mains.

Les créations de Daniel Nadaud et de Benjamin Monti partent au départ d’un principe similaire au cadavre exquis voire des interventions ou réponses qui relèveraient plutôt de l’association d’idées et d’une réponse formelle. Étant exposés l’un à côté de l’autre à l’exposition de Nantes, le dialogue entre eux s’est fait rapidement. Le mur qui les séparait a servi de lien et d’échange, où ils ont chacun exposé de l’autre côté. Les univers étant très similaires, la collaboration autour de ces échanges s’est faite très naturellement.

Ces dessins tournent parfois autour de l’actualité, comme allusion poétique plus que comme commentaire littéral et direct. La première série de dessins s’est faite sur du papier millimétré, qui leur est cher à tous les deux, un support qui implique une règle, une mesure. Serait-ce pour contenir ou cadrer leur imagination décalée qui finit quand même par déborder?

A côté de cela, il y a un intérêt tant pour Monti que pour Nadaud, autour de la littérature – Comtesse de Ségur, André Dhôtel – mais aussi des ouvrages scientifiques ou des gravures avec par exemple Horace Castelli. Cela engendre des appropriations, la plupart du temps teintées d’humour; détournements ou hybridations pour le premier et réinterprétation pour le second. Nadaud s’attarde parfois sur la disparition de la faune, la première guerre et Monti sur le cycle de la vie. Certaines images sont clairement violentes, avec l’illustration d’une trépanation, ou les allusions faites au diable incarné par une mouche.

L’humour soulève des questionnements bien souvent plus profonds ou douloureux, liés au contes, à l’enfance. Cette enfance est évoquée non pas avec nostalgie et idéalisation mais comme « souvent brimée », douloureuse. Le ressenti lourd sur cette période de la vie est esquissée avec beaucoup de légèreté et est réappropriée, au travers de dessins tirés d’ouvrages d’apprentissage, de gymnastique du début du XXe siècle, de catéchisme, voire de la Bible illustrée. Ils se disent être restés dans cette enfance, ou être restés des enfants, en émerveillement, avec un goût du jeu. « On regarde les choses comme des gamins ». On retrouve aussi une allusion à la paternité

Certes, les travaux présentés sont variés autant au niveau des thèmes, allusions, que des jeux de formes, de support, il aurait été pertinent d’exposer des oeuvres personnelles qui répondent à ces dessins et qui permettent de faire dialoguer leur pratique personnelle à la pratique à quatre mains. Cela pourrait, en outre, alléger l’exposition, qui montre bien sûr un soucis de rythme dans l’accrochage. Il en ressortirait une plus grande variété, tant au niveau des formes que des formats et des supports. Ces collaborations densifient l’exposition et demandent une plus grande attention ou concentration du public.

Les deux artistes mettent leur grain de sel dans le dessin de l’autre, avec leur propre patte, leur propre coup de crayon. Ces contributions mettent en lumière l’opposition entre le souci du détail chez Nadaud et le travail plus brut et direct de Monti.

Des timbres postes collés çà et là dans les travaux amènent de nouvelles sources d’image et d’imagination et reflètent leur riche collaboration épistolaire. Hélène Jacques