La traditionnelle exposition de février « Ah… l‟amour ! » revient en 2012 nous interroger sur le plus troublant des phénomènes humains : les rapports amoureux.
Union des esprits et des corps, attirances, répulsions, fusions, affections, ivresses, amours absolus, amours platoniques… Ils nous échapperont toujours, mais nous rattraperont sans cesse. L’art, vecteur des réflexions et des émotions, fut et reste le témoin privilégié des amours humaines. Trois artistes contemporaines déclinent à l‟Orangerie ces thèmes intemporels, et les renouvellent dans une vision tantôt poétique, tantôt ludique, tantôt incisive.
Et pour offrir un regard plus ancien sur ce thème vieux comme le monde, le Musée en Piconrue présente dans le cadre de cette exposition des objets des traditions populaires issus de sa collection dans l‟espace d‟accueil de l‟Orangerie.
Pour ouvrir la réflexion sur nos codes sociaux, à travers le temps, le service éducatif du Musée en Piconrue a conçu une activité pédagogique autour de la Maison des Légendes, sur le thème des «Amours Galantes», dans le prolongement de celle qui est proposée à l‟Orangerie.
Françoise Hardy
« J'aborde des sujets qui font partie de ma vie, de mes souvenirs d'enfance. J'aime mettre des personnes en évidence en les peignant, je leur rend hommage et cela me permet d'extérioriser mes pensées et de soulager mon être. En réalité, dans ma peinture je traite de la vie avec toutes les complexités que cela comporte du corps et de la difficulté de vivre avec les autres. Pour moi, des petits détails quotidiens, l'écoute d'une musique, une rencontre peuvent aboutir à une peinture. Chaque peinture a son titre : j'y accorde de l'importance, car cela peut donner une clé, une porte ouverte à la compréhension. » - Feuillet « Entretien Sylvie Canonne – Françoise Hardy »
Laetitia Lefèvre
Univers Proxémiques. A combien de moi es-tu? Tout n'est qu'une question de distance, de point de vue... Loin de mes yeux, à quelques pas ou plus près encore... Petit soldat du couple. Laetitia Lefèvre épingle, protège et questionne à la fois les rapports d'hommes et de femmes sans jamais enfermer ses petites créatures dans un scénario unique. La projection opère, je peux voir dans ses miniatures humaines des moments de tensions, de rencontres, de violence ,de solitude ou d'indifférence...pourtant rien ne sera dit : les statuettes sont silencieuses, blanches, têtues dans leur mutisme. A priori elles se ressemblent comme deux gouttes d'eau, mais de plus près elles ont leurs singularités, leurs postures ... de dos, avec ou sans sac à main, mains le long du corps, très légèrement penchées vers leurs partenaires de jeu. Parfois, l'artiste nous montre ce couple sous l'effet d'une loupe ... la photographie trouble le rapport, perturbe notre perception et ces personnages deviennent soudain beaucoup plus grands, ils miment alors de façon plus troublantes nos petits désordres amoureux ou nos moments de doute au bord du vide. Les dessins de Laetitia Lefèvre participe eux aussi de ce principe du "presque pas ", ils ont une présence qui retient cependant notre attention car les yeux se fixent sur une silhouette, l'abandon d'un geste, celui qui vous qui échappe;le cerveau lui échafaude des histoires, celles qu'on porte tous très intimes et universelles à la fois...rien n'est univoque, les esquisses invitent à l'imagination. L'air de ne pas y toucher de l'artiste est efficace, elle nous renvoie sans qu'on s'en rende compte tout de suite à nos propres failles, nos moments flous et creux, nos tics corporels tellement touchants et grotesques à la fois. C'est difficile d'être à la fois discrète et efficace, de manier avec intelligence la présence d'un travail mais aussi sa part de silence, Laetitia Lefèvre capte avec finesse nos équilibres instables sans pour autant juger nos fragilités... Caroline Coste
Est un calcul de la probabilité que la Nième personne qui entre dans un espace se positionne à une distance d'intimité avec une autre personne ayant une orientation sexuelle et un genre complémentaires aux siennes. L'équation dépend du nombre de personnes présentes, de la surface du lieu, de la distribution des orientations sexuelles et de la distance proxémique associée à la relation recherchée. D'un point de vue mathématique, la solution au problème est une équation récursive dans le sens où il faut connaître
Sabien Clément, Amourons-nous
Découvrir l’amour, découvrir l’autre et se mettre à découvert est à la fois amusant et important. Les mots sont parfois difficile à trouver pour parler de ce que l’on ressent envers son aimé. Son amoureux. Dire le désir, en dessiner les contours, cultiver l’envie de l’autre, c’est un jeu auquel se prennent les auteurs de ce livre. Invitation poétique à échanger autour du désir de l’autre, à dire, imaginer et rêver le sentiment amoureux. L’auteur et l’illustrateur inventent un vocabulaire amoureux et mettent en mots et en images le sentiment et le désir. Tout en nuance et suggestion, ce livre à destination des adolescents et des amoureux de tous âges, met en scène la découverte de soi et de son corps à travers l’amour de l’autre.
Quelle plus belle formule pouvait-on inventer pour parler de l'amour du cœur et du corps que celle d'Amourons-nous, pour évoquer ces sentiments si difficiles à exprimer avec des termes simples, quand la passion est présente en chaque seconde et constitue entièrement deux êtres ?
Geert De Kockere, déjà remarqué, notamment, par son très bel album Tête-à-tête publié chez Milan jeunesse, surprend de nouveau ses lecteurs par ses petits poèmes d'amour qui expriment le quotidien et l'extraordinaire de ce moment d’émotion unique, quels que soient l'âge et la beauté des corps. Cet auteur, d'ailleurs principalement reconnu au Pays-bas comme poète, est également créateur de textes en prose pour les enfants ne sachant pas encore lire (comptines, petit contes…). Il est à l'origine, à ce jour, d'une cinquantaine d'ouvrages. Tous ne sont pas encore traduits en français, vous pouvez retrouvez quelques titres aux éditions Circonflexe comme Sacrée Zoé !, Nanette ou encore Willy (pour les enfants à partir de 4 ans.)
La jeune illustratrice Sabien Clément, néerlandaise, qui publie ici son premier album (aussi bien à l'étranger qu'en France) exprime très bien cet amour par le dessin de femmes et d'hommes aux corps démesurés, sans recherche d'esthétique particulière, des couleurs qui débordent des traits, des corps grossièrement découpés… Des lettres en décalcomanie ont également été ajoutées dans le dessin qui peut devenir dès lors texte à part entière. Pour l'adaptation en français, il a fallut modifier certains transferts qui n'avaient plus de sens mais heureusement pour la beauté de la langue, d'autres ont été gardés et ressemblent à des fioritures qui enlumineraient les dessins. Cette jeune illustratrice n'a pas pour habitude de travailler pour les enfants. Mais ce livre ce prête à tout individu, enfant comme adulte, et permet même de communiquer sur le thème parfois délicat de l'amour physique entre parents et enfants.
Ce défi à relever de la part de Geert de Kockere n'était pas évident ni pour lui ni pour Sabien Clement car il s'agissait de parler de l'amour en général sans tomber dans le grotesque ou le vulgaire. Cet album est original pour plusieurs raisons : d'une part par sa conception et d'autre part pour la nouvelle place qu'il prend dans le paysage littéraire jeunesse et adulte. En effet, cet ouvrage a été réalisé en complète harmonie entre l'auteur et l'illustratrice ; ainsi certains dessins sont nés du poème et d'autres poèmes sont nés d'un détail de l'illustration . Cette technique n'est pas habituelle en France. C'est souvent l'auteur ou l'éditeur qui choisit l'illustrateur ou l'illustrateur ou l'éditeur qui choisit l'auteur. Les éditions du Rouergue, qui ont acheté les droits de cet ouvrage lors du Salon de Bologne 2002, ont une fois de plus innové dans le domaine de la littérature puisque ce livre est le premier album destiné aux adolescents et aux adultes.
Bien sûr, les enfants sont largement conviés à le feuilleter mais ils ne leur est pas exclusivement réservé. Pour marquer cette originalité, le Rouergue a créé une nouvelle collection, en continuité avec un pôle déjà existant (Do à do) et l'a simplement nommée : "Do à do image" ; pour l'instant, cette maison d'édition est la seule à avoir pris le risque de publier cet ouvrage et je ne peux qu'encourager et féliciter cette démarche qui s'inscrit parfaitement dans la politique des éditions du Rouergue.
Je ne pourrai conclure sans vous laisser lire une partie infime de ce bel album: " Une fois de plus J'écris ce qui me vient. Tu me demandes : qu'est-ce que tu fais ? Je couche notre amour sur le papier. "