Quand l'automne s'effeuille
Je ramasse des feuilles tombées et j'en arrache d'autres, à même l'arbre. Je dépose ensuite ma 'collection' sur un grand, voire même un très grand plateau, pour éviter que les feuilles ne s'écrasent les unes les autres. Je dresse un véritable inventaire des formes et couleurs des feuilles et fruits éventuels de 'mon' arbre et je les emmène ensuite dans mon atelier ou dans un atelier provisoire, aménagé dans l'arboretum même. Chaque année, les mêmes souvenirs et sentiments refont surface. Je me comporte comme dans un laboratoire scientifique. Je modifie le moins de paramètres possible : l'incidence de la lumière, la luminosité, la distance par rapport au sujet et le format des clichés ne changent pas. Je photographie également une échelle centimétrique et une charte de couleurs, à des fins de contrôle. Je dépose les feuilles comme je le sens, sans motif fixe. Je veille toutefois à couvrir toute la surface et je garde devant les yeux l'image de l'arbre tout entier. Je prends ensuite les feuilles les unes après les autres, je les examine, je les sélectionne et, enfin, je les place. Certains arbres ont des feuilles très bouclées et d'autres des feuilles plates. Certaines feuilles sont fines et minuscules tandis que d'autres sont monumentales. Tout ceci génère un autre effet tridimensionnel. Je suis plongé dedans, je sens la feuille. Mes yeux sont tellement proches d'elle que j'ai l'impression d'avoir moi-même grimpé à l'arbre. Un oiseau sur une branche, un insecte sur une feuille, une feuille parmi les feuilles.
Je réalise des diapositives de 20 x 25 cm. Un grand format est essentiel pour la présentation, et pour cause ! L'intensité qui se dégage dans la salle est identique à celle ressentie lors de la réalisation des dias. C'est comme si vous étiez vous-même caché sous le drap noir de la caméra technique. Vous êtes entièrement absorbé par le spectacle qui s'offre à vos yeux. Vous avez l'impression de cadrer, de régler ou encore de contrôler les nuances de lumière.
Un dernier regard avant d'appuyer sur le bouton.
Il existe plusieurs niveaux d'observation. J'aime cela. Vous pouvez commencer par admirer l'œuvre à distance, comme si vous regardiez un arbre. Vous pouvez, ensuite, vous rapprocher. Vous n'êtes pas gêné(e) par les grains ou le manque de netteté. Les détails sont aussi précis et lisibles que l'ensemble. Cette netteté apporte à la matière une valeur tactile.
Elle confère aussi à l'image une tridimensionnalité virtuelle. Si vous étiez une coccinelle, vous pourriez ramper sur et sous la feuille. L'image invite à une approche interactive : vos yeux doivent s'adapter selon que vous regardez de plus près ou de plus loin. Roel Jacobs